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31 janvier 2008

« Fidel Castro l’enfance d’un chef » : le mythe est nu

Source: Serge Raffy, Le Nouvel Obs

La rediffusion d’un portrait sans complaisance du révolté de la Sierra Maestra.

Il était temps qu’un homme de télévision ose affronter une des plus grandes entreprises d’envoûtement de l’histoire du XXe siècle. Il était temps qu’on sorte de l‘enchantement béat que provoquent la vie et l’oeuvre politique de Fidel Castro depuis tant de décennies. Daniel
Leconte l’a fait, dans un style tout en nuances, sans jamais tomber dans l’hystérie qui habite généralement les procureurs du maître de La Havane. Le réalisateur français présente son dossier avec la minutie d’un archiviste, en particulier sur la jeunesse turbulente et chaotique de celui qui deviendra la figure mythique du communisme tropical.

Le jeune Fidel, fils d’un grand propriétaire terrien d’origine espagnole, self-made-man qui a bâti sa fortune en travaillant pour la fameuse multinationale sucrière américaine, l’Union Fruit Company, a été conçu dans le péché. Sa mère, à l’âge de 14 ans, travaillait comme servante chez son père, et fut séduite par le charme rugueux de Don Angel, lui-même déjà marié et père de deux enfants. Pendant plusieurs années, Fidel est donc un enfant illégitime, caché comme un paria. Syndrome du bâtard. Obsession de la revanche. C’est sans doute autour de ce tabou originel, de ce « trauma », comme disent les psychiatres, que se construit la légende du barbudo de la Sierra Maestra. La suite ? Une interminable quête de pouvoir et de reconnaissance sociale. Et aussi l’hécatombe de ses rivaux, politiques ou amoureux, qu’il déquille dès son plus jeune âge, du collège mariste jusquà l’université. Depuis, le tir aux pigeons n’a jamais cessé.

Daniel Leconte décortique, avec l’aide d’lbar Aibar, qui a retrouvé de nombreux compagnons de route du Lider Maximo, la mythologie Castro. A travers quelques entretiens inédits, les deux hommes désacralisent le dictateur sans ménagement. Exemple : Augustin Pais, frère de Franck, vrai chef du M26, le mouvement de rébellion qui agissait sur l’ensemble du territoire cubain et qui était alors loin d’être « castriste ». Ce témoin révèle que, dans les premiers mois de 1958, son frère avait pris les rênes de l’organisation contre Fidel Castro, jugé trop caudillo par la direction du mouvement. ll précise que Franck Pais, authentique démocrate, avait réussi à amadouer les Américains et à obtenir leur soutien financier. L’histoire est parfois cruelle : alors que cet homme, fervent protestant, homme de gauche, s’apprêtait à instaurer une démocratie authentique à Cuba, son rival tricotait une autre histoire avec les communistes. Franck Pais l’avait compris et avait décidé d’écarter Fidel Castro de toute responsabilité dans le M26. Curieusement, Pais est trahi, dénoncé, et assassiné par la police de Batista à ce moment-clé… Autre témoignage-surprise, et particulièrement convaincant: Hubert Matos, héros de la révolution, embastillé pour vingt ans dans des conditions inhumaines par Castro. Ce vénérable grand-père aux yeux plus limpides que les eaux de Cayo Largo raconte que l’autre héros de la révolution, son alter ego, Camilio Cienfuegos, le mousquetaire de La Havane, l’ami des paysans, des guajiros, avait compris, au bout de quelques mois, l’incroyable supercherie politique montée par les frères Castro pour imposer un régime autoritaire au pays de la salsa et du mojito. Cienfuegos, paniqué, rend visite à Matos avant son incarcération et évoque une fuite organisée pour les deux hommes, afin d’échapper aux griffes de leur ancien compagnon de combat. Quelques jours plus tard, il disparaît dans un accident d’avion dans des conditions plus que troubles.

« L’Enfance d’un chef » est le récit de l’irrésistible ascension d’un caudillo déguisé en Robin des bois, d’un fils de Staline manipulateur, impitoyable, comédien de génie. Cette opération « désenchantement » ne plaira pas à tout le monde car elle nous oblige à un inventaire douloureux de nos propres engagements. Elle nous renvoie à la cécité d’une génération d’intellectuels, fascinée par cette « île où le temps n’existe plus ». Autre moment fort du film : 8 Janvier 1959, à La Havane. Fidel Castro harangue la foule. Sur son épaule, une colombe blanche, symbole de paix. Pour tous les Cubains, à cet instant, le barbudo est un envoyé du ciel, un sorcier de la santeria, la confrérie vaudoue de l’île. La caméra oublie quelques secondes l’orateur, élargit le champ, et s’attarde sur un homme affairé, a ses côtés. ll gère le ballet des pigeons blancs avec des graines et un sifflet. C’est un colombophile en pleine activité. Supercherie ? Génie d’un grand manipulateur des médias ? Chacun pourra lire les aventures de Fidel à sa manière. Avec cette « Enfance d’un chef », impossible, désormais, de faire l’impasse sur les leurres et les subterfuges d’un marionnettiste surdoué, un Torquemada inoxydable qui a vendu son âme au Komintern, et qui dure, dure…

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  • Daniel Leconte


    Président de Doc en Stock et Film en Stock, crée en 1994. Production de plus de 400 films documentaires.

    Production et réalisation de « C’est dur d’être aimé par des cons », sorti en salles et en sélection officielle du Festival de Cannes 2007.

    Production de Carlos en 2010, mini-série événement réalisée par Olivier Assayas, en sélection pour le festival de Cannes, et primé d'un Golden Globe Award en 2011.

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