23 novembre 2002

Source: Martine Delahaye, Le Monde

Une fois n’est pas coutume, voilà bien un documentaire  » à contre-courant « .  » J’ai 30 ans. Il y a à peine trois mois j’étais encore responsable d’une grande firme de produits de beauté. J’ai tout plaqué pour réaliser un rêve de gosse : devenir grand reporter et suivre les traces de Kessel en Afghanistan.  » Le ton est donné, Damien Degueldre,  » protégé par la caméra  » qu’il sait à peine manier, part pour savoir  » à quoi ressemble la guerre « . Et nous fait part, aussi subjectivement que possible, de ce que peut ressentir un homme vivant sa première expérience des combats.

En novembre 2001, Damien Degueldre s’introduit avec trois journalistes dans la forteresse de Qala-e-Jangi, où 470 talibans (dont l’Américain John Walker Lindh), prisonniers de l’Alliance du Nord, se sont emparés du dépôt d’armes – la plupart des mutins mourront à l’issue des combats. Certains s’agaceront du parti pris de ce  » Tintin au pays des Afghans « , mais le montage de ses images par le réalisateur et producteur Daniel Leconte (lui-même grand reporter au Cambodge et au Laos il y a trente ans) aboutit in fine à un véritable document sur la guerre… Et sur les effets induits par la présence d’une caméra.

Ce que ne peuvent dire les reporters professionnels en quelques minutes au JT, le film de Degueldre et Leconte le montre : oui, un cameraman est excité à l’idée d’ » être sur un coup  » ; oui, des combattants peuvent engager des tirs pour attirer l’objectif sur eux ou se désintéresser du combat après avoir récupéré les chaussures d’un mort… Le film vaut précisément en ce qu’il dérange et déroge à la règle tacite de  » l’humainement correct « .  » La poésie héroïque possède sans résistance ceux qui ne vont pas à la guerre « , écrivait Céline à propos d’une autre guerre (Le Voyage au bout de la nuit).

Afghanistan : la guerre pour de vrai a été sélectionné, dans la catégorie documentaires, par le 13e Festival international du film historique de Pessac (du 20 au 25 novembre).