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3 mai 1987

La deuxième vie de Klaus Barbie

Source: Thomas Ferenczi, CAMERA 2

Le procès Barbie s’ouvre prochainement à Lyon. Daniel Leconte, pour Antenne 2, a tenté de reconstituer la  » deuxième vie  » de l’ancien chef nazi, installé en Bolivie après son départ d’Europe. Son objectif : faire aussi bien que Ladislas de Hoyos, dont TF1 rediffuse jeudi, partiellement, l’enquête, déjà connue, sur l’itinéraire du bourreau de Jean Moulin.

A quelques jours du procès Barbie, la télévision, comme la presse écrite, rouvre le dossier de l’ancien chef nazi, dont elle retrace la carrière et complète le portrait. Le maitre du genre sur le petit écran est, bien sûr, Ladislas de Hoyos, devenu le spécialiste de l’affaire depuis sa retentissante interview de celui qui se faisait alors passer pour l’homme d’affaires Klaus Altmann. Le reportage de Daniel Leconte sur  » La deuxième vie de Klaus Barbie « , que présente ce soir  » Caméra 2 « , le magazine d’information d’Antenne 2, contient un extrait de cet entretien.
C’était en février 1972, Altmann-Barbie venait d’être arrêté par les Boliviens pour une dette financière. Ladislas de Hoyos le rencontre enfin, au terme d’une longue attente, au ministère de l’intérieur. Prévu pour cinq minutes, l’entretien durera trois fois plus.

Questions en espagnol, puis en allemand. Et soudain, en français :  » N’êtes-vous jamais allé à Lyon ? – Nein, ich bin nie in Lyon gewesen, aber es ist so…  » Commentaire de Ladislas de Hoyos dans son livre Barbie (Robert Laffont, 1984, nouvelle édition 1987) :  » Il est tombé dans le piège. Il vient de répondre du tac au tac, alors qu’il prétendait ne pas comprendre le français.  » Pour finir, Ladislas de Hoyos lui fait répéter, en français :  » Je ne suis pas un assassin… Je n’ai jamais torturé… Je ne connais pas Jean Moulin.  »
L’interview terminée, les pellicules et les bandes-son sont mises aussitôt en sûreté, puis expédiées à Paris, où le journal télévisé organise une  » confrontation  » –  » terrible et poignante « , écrira le Monde – entre Altmann-Barbie et ses victimes qui, toutes, notent la ressemblance entre l’homme d’affaires de La Paz et le tortionnaire de Lyon. Quelques semaines plus tard, Altmann avouait qu’il était bien Barbie.

Il y a un peu plus d’un an, en janvier 1986, TF 1 diffusait dans son magazine  » Infovision  » une longue enquête en deux volets du même Ladislas de Hoyos sur la vie de l’ancien SS, dans la perspective du procès de Lyon – lequel devait être ajourné après un arrêt de la Cour de cassation. Les principaux éléments de cette enquête sont repris jeudi 7 mai, sous une forme condensée, par le magazine  » Infovision « , sur TF1. En prime, deux brefs portraits de Jacques Vergès, l’avocat de Barbie, et de Serge Klarsfeld, qui fut, avec sa femme Beate, à l’origine de sa capture.

La patiente investigation de Ladislas de Hoyos lui a permis de rassembler et de présenter, textes et témoignages à l’appui, tout ce qu’on a pu apprendre sur Barbie depuis quinze ans. Le passionnant document qu’il nous propose est ainsi, comme l’indiquait Jean-Marc Théolleyre dans le Monde au lendemain de sa diffusion en janvier 1986,  » la reconstitution de la vie d’un homme né en 1913 et qui, enfant de l’Allemagne d’après 1918, devait adhérer au nazisme dès l’adolescence et connaitre à partir de là l’itinéraire d’un criminel de guerre « .

Les épisodes en sont aujourd’hui connus : l’enfance et l’adolescence à Udler, au milieu des forêts de l’Eifel, puis à Trèves ; l’entrée dans les SS après les Jeunesses hitlériennes ; à partir de 1940, l’activité dans la police secrète en Hollande, puis à Lyon ; les rafles, les exécutions, l’affaire Jean Moulin ; au lendemain de la guerre, le recrutement par les services spéciaux américains (il sera l’agent X-3054) ; en 1951, la fuite en Amérique du Sud, l’installation en Bolivie, où il sera pendant une trentaine d’années un affairiste prospère et un conseiller écouté des dictateurs ; l’expulsion, enfin, en février 1983, par le gouvernement bolivien. Un demi-siècle d’histoire ! Barbie a, aujourd’hui, près de soixante-quatorze ans. Il ne regrette rien. Il  » fait face « , comme l’écrit Ladislas de Hoyos, qui conclut, d’après le titre de son dernier chapitre : « Hitler n’est pas mort ».

Pour Antenne 2, Daniel Leconte, grand reporter au service de politique étrangère, s’est à son tour lancé sur la piste de Barbie en Bolivie.  » Avec douze ans de retard « , comme lui a dit Albert du Roy, alors directeur de la rédaction, en se référant à l’interview réalisée en 1972 par Ladislas de Hoyos. Comment faire aussi bien que son confrère de la chaine concurrente, reconnu comme l’un des meilleurs connaisseurs du dossier Barbie et comme l’auteur des reportages les plus solides sur la question ?  » J’étais assez angoissé « , dit Daniel Leconte, qui ajoute :  » Si je voulais avoir une chance d’exister par rapport à lui, et Antenne 2 par rapport à TF1, je devais obtenir ce qu’il n’avait jamais pu obtenir.  »

Sagement, il choisit de limiter ses recherches à la période bolivienne de l’ancien chef nazi, ce qu’il appelle  » la deuxième vie de Klaus Barbie « , qui est, il est vrai, la partie la moins développée de l’enquête de Ladislas de Hoyos. Et il parvient à rencontrer deux témoins capitaux, qui ne s’étaient pas exprimés publiquement jusque-là : Alvaro de Castro, le  » bras droit  » de Barbie dans toutes les affaires auxquelles celui-ci s’est trouvé mêlé en Bolivie, mais aussi son confident le plus fidèle, son compagnon le plus proche, et Gustavo Sanchez, secrétaire d’Etat à l’intérieur, qui organisa son expulsion après avoir envisagé, dix ans plus tôt, son enlèvement. Bref, comme le souligne Daniel Leconte, le meilleur ami de Barbie et son principal ennemi.

S’il a pu s’entretenir en toute confiance avec Gustavo Sanchez, qui lui a ouvert largement ses dossiers, c’est, explique-t-il, sur la recommandation de Régis Debray, qui avait été notamment associé au projet d’enlèvement de 1973 : les deux hommes seront ensuite, l’un en France auprès de François Mitterrand, l’autre en Bolivie auprès de Hernan Siles Zuazo, parmi les principaux artisans du transfert de Barbie.
Quant à Alvaro de Castro, l’autre personnage-clé, il était introuvable. Daniel Leconte a fini par apprendre, grâce à un intermédiaire, qu’il fleurissait tous les samedis la tombe de l’épouse de Barbie à La Paz et, l’ayant rencontré, a su le convaincre, moyennant une honnête rétribution de 1 000 dollars, de parler devant la caméra. En revanche, précise Daniel Leconte, la belle-fille (française) de Barbie, que Ladislas de Hoyos avait, lui, interrogée à Santa-Cruz, a cette fois-ci refusé d’être filmée, après avoir, semble-t-il, demandé l’avis de Me Vergès.

L’enquête fait apparaitre clairement le rôle important joué par Barbie auprès des militaires boliviens. Il a contribué à l’arrivée au pouvoir du général Banzer en 1971, a aidé à la formation de milices, à leur approvisionnement en armes, à leur entrainement et à leur organisation, il a continué à tenir sa place de conseiller spécial aux côtés des dictateurs successifs, bref il a repris l’exercice de son ancien métier de policier de haut rang, animé par les mêmes convictions et sollicité pour les mêmes compétences.  » Une vie en bien des points semblable à la première « , souligne Daniel Leconte.

Loin d’être un vieillard repenti vivant discrètement dans sa retraite sud-américaine, Barbie a choisi, au contraire, de mener une activité quasi publique, et c’est sans doute l’aspect le plus étonnant de ce reportage. Lié aux milieux fascisants à travers le monde, il a, selon Daniel Leconte,  » fait la jonction entre deux générations, entre la vieille garde des nazis et la jeune garde des terroristes d’extrême droite « .

Au-delà du cas Barbie, il reste à constater, pour s’en étonner avec Daniel Leconte, que des gouvernements démocratiques, informés – les Etats-Unis dès 1945, la France au moins depuis 1963 – de la véritable identité du pseudo-Altmann, ont accepté non seulement que l’ancien chef nazi vive paisiblement en Amérique latine, mais encore qu’il exerce presque ouvertement dans son pays d’adoption d’importantes responsabilités.

Tags: bourreau, exécution, La Paz, Jean Moulin



  • Daniel Leconte

    Daniel Leconte, producteur
    Président de Doc en Stock et Film en Stock, crée en 1994. Production de plus de 400 films documentaires.

    Production et réalisation de « C’est dur d’être aimé par des cons », sorti en salles et en sélection officielle du Festival de Cannes 2007.

    Production de Carlos en 2010, mini-série événement réalisée par Olivier Assayas, en sélection pour le festival de Cannes, et primé d'un Golden Globe Award en 2011.

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